Aux abords de Louxor, non loin des majestueuses tombes de la Vallée des Rois, un atelier de pierre résiste encore au temps et à la modernité galopante. Dans une ambiance empreinte d’histoire et de poussière de roche, Issam Abdel Aal plus connu sous le nom d’Issam Badr incarne une tradition millénaire : le façonnage de l’albâtre.
Une pierre venue des pharaons
« Cette pierre, nous l’extrayons des montagnes situées à 300 ou 400 kilomètres d’ici. »

Autrefois, c’était à dos d’âne que les blocs étaient rapportés dans un ballet ancestral entre l’homme, l’animal et la montagne. Chaque convoi mobilisait une quinzaine d’ânes, guidés par quelques ouvriers et leur précieux savoir-faire.
Les blocs étaient partiellement taillés sur place avant le transport. Une fois à l’atelier, ils devenaient vases, coupes ou statuettes, enveloppés dans du coton et séchés au soleil. Le processus reste fidèle aux traditions des anciens égyptiens.
Le geste ancestral face au monde moderne
« On commence par une petite ouverture, puis on élargit progressivement avec des outils plus grands. »

Issam perpétue l’usage d’outils inspirés de ceux des pharaons. Après le limage et le sablage, les pièces sont chauffées brièvement au four puis recouvertes de cire. Ce geste final révèle les couleurs naturelles de la pierre et en assure la protection.
« La cire fait ressortir la couleur de la pierre. Cela crée aussi une couche de protection contre la poussière. »

Un artisanat en danger
« Je suis la deuxième génération. Nous faisons tout pour préserver cet artisanat, mais la jeunesse ne s’y intéresse plus. »
Malgré ses efforts, Issam déplore le désintérêt croissant des jeunes pour cet artisanat exigeant et peu lucratif. À cela s’ajoute la concurrence déloyale des produits industrialisés ou importés, qui inondent le marché touristique.

« Ils ressemblent à du fait main, mais ils ne le sont pas. »
« Les touristes ne font pas toujours la différence. Cela nuit à notre industrie. »

Une palette de pierres, un éventail de créations
Outre l’albâtre, l’atelier de Louxor travaille également des pierres comme la stéatite (pierre de talc), le granit, le basalte, le grès, ou encore le quartz. Chacune a ses propriétés, ses couleurs, ses usages.
« La stéatite est douce comme la poudre de talc. Elle devient plus dure une fois chauffée. »
Les artisans créent aujourd’hui bien plus que des vases : sculptures, reproductions muséales, scarabées, plaques colorées, ou encore objets inspirés de l’iconographie pharaonique.
Héritiers d’un art millénaire
« Ce que nous fabriquons est l’âme de l’Égypte. Chaque pièce raconte une histoire. »

Issam Badr sait que ses gestes, ses outils et ses créations sont un héritage fragile, une passerelle entre le passé et un futur incertain. Si son atelier garde vivante la mémoire de l’albâtre, la survie de cet art dépend désormais de la transmission, de la reconnaissance et peut-être d’un peu de foi.

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